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krèk krèk

16 mars 2007

- Seul face à l’avenir. - Peut-être. - Seul face

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- Seul face à l’avenir.

- Peut-être.

- Seul face à l’avenir, si par avenir on entend la mort.

- Seul face à la mort, oui, oui…répondit-il.

Le jeune homme : «  Je lui arrache sa chevelure blonde. Je prends cela. Au moins cela. »

Mélane a les cheveux blonds, longs, jusque dans le bas du dos.

Le jeune homme : «  Laisse-moi à présent…seul…face à l’avenir. J’ai bien compris. Alors ce sera seul face à la mort. Ne me dis plus rien, ne viens même pas. Chacun, seul face… Chacun et toutes les fois, jusqu’à la mort. Je n’y crois pas une seconde, mais si tu le dis, si tu le penses. Je n’ai pas les mots pour te convaincre du contraire. Je n’ai pas les mots pour t’emmener ailleurs. Juste à côté, ensemble. Je n’ai pas la force de dire l’ensemble, alors si tu le penses, alors vas-y, retire-toi. »

Mélane a les cheveux blonds, longs, jusque dans le bas du dos. Elle les peigne longuement le matin devant le miroir de la salle de bain. Elle se regarde. Elle les amène devant, deux bonnes poignées, les brosse, enlève les nœuds. Longuement. C’est le matin.

Le jeune homme insiste, lui qui voulait disparaître. L’image de polan, sous la hauteur du jeune homme, s’estompe. Polan rétrécit. La dernière fois, on pouvait le voir en vélo dans la rue des Pavillons.

Le rue fut une scène bien artificielle. A cet effet, elle ne tint pas longtemps. Alors quoi, quand a disparu la rue. Qu’y a-t-il à la place ?

Le jeune homme : « Que faire maintenant que la scène semble s’effacer. Ou tenir. Je cherche une image. »

Il remue la tête. Mélane se tourne dans le lit. Polan pédale quelque part, hors du plan. Du moins, le jeune homme, imagine ou espère que polan pédale toujours quelque part.

Le jeune homme se dit qu’il faudrait arriver à forcer la rencontre de deux images. Une troisième image naîtrait à l’intersection des deux autres.

Séparé, polan pédale. Il traverse une rue, s’arrête à un feu, pose le pied. Vert, polan donne une impulsion au corps depuis le pied posé à terre, et en équilibre, fait un tour de pédale, un deuxième, il franchit le carrefour.

De là une nouvelle image. Polan entre dans le tram, il y a du monde, les heures de pointe, reste debout, une main en l’air qui tient la barre. Une mélodie qui sort d’un accordéon se mêle au bruit de la machine. Polan regarde en bas, ses pieds et les chaussures des autres. Un arrête, ça sort et ça entre. Le tram sonne et repart.

Cette fois, polan sort du tram. La main ayant lâché la barre, les yeux s’étant remis à l’horizontal.

*

« le terrain de foot…la nuit…en hiver…la lumière artificielle dans les quatre angles…des bruits de verres qui se font santé…des joueurs avec des brassards fluorescents…le grillage monté très haut pour éviter que le ballon aille, si quelqu’un aurait raté le cadre, dans le canal…à côté…un terrain battu en gravier…le dimanche ou le samedi ou les soirs d’été…le fracas des boules métalliques près du cochonnet…la cantine, petit, avec deux francs on avait droit à une bouteille de coca…on trouvait les deux francs en allant dire un bonjour aux oncles qui se tenaient un verre à la main, la bouteille couchée et à l’abri, derrière la barrière…ils regardent le match…derrière les buts les jeunes supporters, souvent joueurs de foot à leur niveau…ils font sonner les cloches de vache…le coca se buvait au goulot ou avec une paille…pas de verre…les gens utilisaient les panneaux de la barrière pour y mettre de la publicité…entreprises et assurances…les banques aussi…sponsors…deux terrains si je me lève un peu…le petit et le grand…le petit servait aux entraînements et certains match junior…le grand le beau le neuf, certainement vieux aujourd’hui, pour les matchs de championnat… »

Le jeune homme descend du train, s’assied à la terrasse d’un café, sur les escaliers, assise, un livre dans les mains, mélane blonde, et commende un coca. Il lui reste une demi-heure avant la correspondance, dans le sac beige clair à bandoulière, quelques livres, le jeune homme est fatigué, perd son regard dans la chevelure de mélane.

Les yeux font des nœuds aux images.

Polan vient de descendre du tram et s’approche de mélan, le train va partir, le jeune homme esquive polan et court prendre son train. Polan s’assied à côté de mélane, la laisse lire, il se repose un peu le soleil de la fin d’après-midi sur ses épaules.

Comme veille la main amie sur celle qu’elle aime.


- Quelqu’un m’a volé le vélo.

- C’est embêtant.

- Oh, je te disais cela pour te donner la raison qui m’a fait prendre le tram. Je crois que je ne vais pas reprendre de vélo. J’aime bien, finalement le tram. C’est plus reposant.

- Le bébé va bien, tu le sens, il bouge ?

- Oui, il lui arrive de bouger. Ça fait drôle dans le ventre.

- Si c’est une fille, on l’appellera Robota, d’accord ?

- Si tu veux. C’est joli Robota. Et si c’est un garçon ?

- Je ne sais pas encore. Tu as une idée ?

- Non.


Polan retire son regard de mélane et le jette au loin devant lui. Quelque chose se dit à lui-même, comme une voix étrangère, mais du dedans : « Seul face à l’avenir, seul face à la mort. »

Dans le train, le jeune homme laisse défiler le paysage sur sa figure.


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5 mars 2007

image jaune en forme de croix

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                                                                  J'étais pour ainsi dire désintégré - je glissait comme un éther à travers les interstices des substances interposées!

                                                                                            H.G.Wells


Au bout de la rue, il y a un bâtiment extérieurement jaune où mélane a une chambre sous les combles. 

Il existe un point d’où l’on peut se perdre à admirer la rue, un endroit bien précis, une table dans un café, où l’on se trouve exactement au milieu. On plonge dans la rue, au bout le regard s’arrête contre le bâtiment. De chaque côté, une file de voitures, multicolore, sont garées sur des places bleues. Un panneau de signalisation bleu avec une flèche directionnelle oblige les automobilistes à continuer tout droit.

Polan et mélane entrent dans le champ du regard possible de celui qui est assis à la table. Ils remontent la rues à pieds, main dans la main. Il arrive à polan de lever la tête vers le ciel. Il est gris, sal. Il tourne son visage vers mélane. Ils se jettent un coup d’œil.

*

Polan sort de l’immeuble, décroche le cadenas du vélo accroché à la gouttière. C’est un vélo usagé, trouvé à 10 ou 12 pièces de cinq francs. La selle est mouillée, il passe la manche de sa veste, plusieurs fois. Le gros est enlevé.

Le jeune homme : - Je crois qu’il y a un truc qui bloque, une rencontre qui tarde entre l’expérience et l’artifice. Ils se tiennent à l’écart. Ils se méfient, vont à tâtons. Ce sont des amants pudiques et farouches.

Sur le balcon, petit, le parapet en métal, la rouille sort de la peinture, verte, mélane se penche sur la balustrade, un chemisier blanc en coton souple, boutonné à l’arrache, culotte rose pale, cuisse ronde, se réveille. Il est un peu plus tard, le soleil a déjà essuyé pour la plupart l’eau de pluie sur les choses. Elle se tient sur la pointe des pieds pour ne pas risquer sur le froid de la dalle la plante des pieds.

*

mélane a les cheveux longs, blonds. mélane a les cheveux noirs.

Un jour, avant, elle eut le crâne rasé.

Une image jaune : polan, vraisemblablement le jeune homme, regarde en passant à travers les vitres d’un café. Il voit une fille, un stylo et du papier. Elle écrit ou dessine, elle fait quelque chose avec ces deux choses. Elle a la crâne rasé, les yeux sombres.

Quelque chose s’arrête en polan. Il repart. Une image entre en lui qui lui fait quelque chose. L’image bouge comme un éclat ou un éclair.

Une autre version : polan lit le journal dans le café. Avec lui, des livres, un sac d’écolier. Il lit le journal en buvant un café, en fumant des cigarettes. C’était avant. Un drôle de polan, une image jaune. Entre une fille que polan remarque tout de suite, elle s’assied dans un angle, le crâne rasé. C’est beau. polan lui jette des regards, en vitesse, en vitesse, ses yeux regagnent le trouble du journal qu’il ne lit pas. Elle l’impressionne. Des regards se croisent, des images s’échangent.

polan est tétanisé, se lève maladroit, s’en va maladroit, dehors respire. Il court, il rit, il se dégage de l’oppression.

Le jeune homme : «  Pourquoi pas elle…je la trouve étrange…je la trouve loin…pourquoi pas elle…garder les souvenirs…garder tous les souvenirs déchirés…une larme…se mettre face à eux…ne pas recoller…ne pas défaillir…se faire un passage…écarter les déchirures…une seconde larme…quand je l’ai vue cette fois-là…j’ai eu mal…l’image me tenait prisonnier…une douleur à la tête et au ventre… »

Le jeune homme essaie de se remettre dans l’image. Il essaie de comprendre quelque chose qui aurait pu lui échapper alors. Il cherche l’instant où le sentiment a croché.

*

mélane entre dans la chambre en fermant derrière elle.


2 mars 2007

happax et rock n'roll

333                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              

« Mademoiselle Albertine est partie » ! Comme la souffrance va plus loin en psychologie que la psychologie ! Il y a un instant, en train de m’analyser, j’avais cru que cette séparation sans s’être revus était justement ce que je désirais, et comparant la médiocrité des plaisirs que me donnait Albertine à la richesse des désirs qu’elle me privait de réaliser, je m’étais trouvé subtil, j’avais conclu que je ne voulais plus la voir, que je ne l’aimais plus. Mais ces mots : « Mademoiselle Albertine est partie » venaient de produire dans mon cœur une souffrance telle que je ne pourrais résister plus longtemps. Ainsi ce que j’avais cru n’être rien pour moi, c’était toute ma vie. Comme on s’ignore.

Marcel Proust

                            

[ index : le jeune homme, disloqué, comme devenu autre, un autre : «  Après avoir baisé à l’Ananas Bar, je suis allé me faire un döner à côté. J’aurais pu la tuer, lui vomir sur sa tronche de putain, merde !

« Putain, j’y étais presque, à quelques pas du rendez-vous, je me délectais, je me préparais, je me tenais, putain, il vibre dans ma poche, un message : je ne pourrais pas venir, je tombe, m’accroche à la table, commande à boire, je suis navrée, la réunion dure plus longtemps que prévue, j’envoie le livre à travers le bar, insulte la serveuse. Je me calme, putain, un coup pareil, à deux pas du rendez-vous, poser un lapin, je n’y crois pas, elle ne voulait pas me voir, je le sais, une invention, depuis le début, un café, un café, j’envoie le livre, lui réponds : Bonne journée, j’y ai mis tout le cynisme possible, elle me réponde : merci, je crève, je sors, je rampe dans la rue, je fixe les gens ou le sol sans émotion, je suis devenu une pierre, un bloc, je me dis, seul, putain, seul jusqu’au bout, jusqu’au bout se faire des prières incantatoires.

« Lui écrire : En espérant te revoir, en espérant quoi, merde quoi, qu’espérer, elle, toi, revoir, voir re, une vitre dans la gueule, en espérant, monsieur fait des politesses, monsieur des révérences, encore une couche, alors que je voudrais lui dire que je voudrais encore une fois son corps, son cul sur le mien, ses seins dans ma bouche, sa gueule ouverte et la mienne, son cou contre mes dents, son corps contre le mien, une nuit encore, un peu moins bourré, ma bite dans son sexe, le sien éventrant le mien, je sens ta chevelure caresser le torse, merde putain… »]

Le jeune homme : « Crois-tu, mélane, que je suis celui que par toi je critique ? »

Une image engendre possiblement d’autres images. « L’action a des conséquences. » La scène se développe, n’est-ce pas.

- Crois-tu, mélane, que je suis celui que par toi je renie ?

Mélane, comment es-tu, regarde venir polan. Elle est assis sur une souche. Au bord, à la limite, les mottes du labour sont sèches et craquelées.

- Monde cassé, monde bouleversé. Les autres sont des lieux d’objectivation. J’objective dans l’autre. Je superpose des images. Mélane, je me renie en toi, je crois, tu es une idée que j’ai forgée, non, une idée qui m’est venue.

Monde cassé, à coup de marteau, conscience malheureuse, à coup de marteau.

Double visage de la guerre, sujet objet.

- Je ne suis pas sûr que tu sois même une idée. Un nom, le rassemblement de quelques lettres.

Polan, naturel, approche. Il marche dans le champ.

- Crois-tu…

mélane prend polan dans ses bras. Elle l’embrasse. Le jeune homme sort de scène. Dans les coulisses, il fait sombre. C’est un dédale, dans lequel il a de la peine à se retrouver. Tout semble tourner autour de lui.

« J’ai fait le vide. », se rappelle-t-il. Il touche son ventre, il se prend de vertige.

- Que suis-je en train de faire…oui…il ne faut pas oublier…reconstruire une image…ressemblante…identique ?…des images…dans le ventre…je n’ai pas oublié…

*

« chercheur d’or…Amérique du Sud….à force de tamis…coup de poignard…paillettes d’or…l’or rassemble…l’or tue…disparaître…laisser la scène à polan et mélane…fais assez de mal…la tempête…je n’arrive pas à la garder en moi…disparaître…cela signifie partire…laisser une place…en trouver une autre ailleurs…chercheur d’or…la machette à la taille…j’aime mélane…polan n’en sait rien…peut-être qu’il sait…ne me dit rien…partir et tenir le secret…mélane…une image…pardon mélane…je n’ai pas su dessiner ton visage…je n’ai pas su te rejoindre…quelle porte pour le champ…au dédale…polan…cela fait longtemps qu’il traîne…le laisser aller…ne pas l’interdire…m’effacer…quitter la scène…marcher…chercheur d’or…coup de poignard…

« J’ai vu qu’ils s’embrassaient…ils s’embrassaient en moi…rien pu tenir…une image…une histoire bien plus ancienne…elle s’appelait Barbara…très faible image…une banquise…le grand crabe du Nord…elle est vêtue d’une robe rouge…moulante en soie…un châle…flotte dans l’air…avec ses bras…elle forme des arabesques…les pinces du crabe fendent l’espace…et produisent un sifflement…les tambours mexicains…

«…s’en aller…l’image du baluchon…une jambe de bois…cahin-caha…trébucher…casser le monde…le bouleverser…à coup de marteau… »

Polan rejoint mélane. Son ventre grossit. L’enfant finira pas venir. Elle l’embrasse, polan lui prend la main, l’amène sur le chemin. Ils s’en vont ailleurs. Ils sortent de l’image.

La scène est trop restreinte : toute scène est trop restreinte. La scène est artificielle, l’espace dirigé. Elle risque à tout instant de basculer dans le vide. On ne casse pas le monde avec une scène, on ne s’en distancie même pas. La scène engendre de façon mimétique, les mondes. Pas assez dur, pas assez radical.

La scène est une image.

Polan et mélane prirent la rue des Pavillons.


*

27 février 2007

fait trop d'images

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La question bouscule, la même question toujours, dans l’embrouillement des réponses : Le jeune homme et polan, sont-ils les mêmes ? A la différence que polan ne s’intéresse pas à cette question, à moins que polan ne soit le jeune homme.

- Suis-je polan ? ( le bruit d’une bille rebondissant dans une cage d’escalier)

Le jeune homme s’assied sur un tabouret, la nuit sur la scène étant relevée par les spots. Le tabouret se trouve au fond de la scène. Contre la paroi, un miroir décoré de lumières clignotantes, pareils certains bars.

Le jeune homme fait dos à la salle.

- Il y a trop d’images. Il fait trop d’images. Peut-on dire cela ?

Il fait trop d’images, dehors et dedans. Dedans et dedans et encore dedans. Dehors ? Chaque image fait le monde ou fait un monde. Des mondes. Il se souvient, le jeune homme, avoir un jour rencontré un philosophe, au visage de tortue. Des mondes, pas le monde, des mondes, une infinité de mondes. Le jeune homme le comprenait à moitié.

- Faut-il éliminer les images pour ériger l’unique ?

Quels souvenirs oublier, lequel poser sur l’autel. La tête du jeune homme mélange.

- Pourrait-on les confondre ? Ou alors les superposer ? Une grande image, une seule, infiniment stratifiée.

Une seule image, ça en fait déjà deux. Ou alors, sans la vitre, peut-être…

Plus d’image, des bruits, des cris

Des cris de la bête, plus qu’une seule bête, des cris, un monde des mondes. Le clignotement des lumières produit une myriade d’images. Le reflet sur le miroir rend la myriade abyssale. Le jeune homme tombe en ivresse.

- polan serait peut-être une image, il serait peut-être mon double, ou moi le sien. Je me pince, j’existe. Cela n’est pas suffisant. Dans l’espace du miroir, quelqu’un s’est pincé.

Polan descend du cerisier en glissant le long du tronc.


26 février 2007

passage poing

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Le jeune homme revient sur lui-même. Il se crispe, il fait le poing. Il court-circuite les images.

Il dit : « Je veux essayer un féminin terrible. […] Pour lancer ce cri je me vide. »[1]

A tel point revenant, qu’abaissant sa réalité. En lui, le processus d’une disparition par le passage où l’on ne passe même pas une seule fois.

Une vitre avec une inscription gravée illisible comme sur une table le sépare de toute affectivité. La vitre aspire, garde en elle, élimine. Le verre est une image d’une traversée abstraite. La transparence verticale est peut-être la qualité la plus faible de l’imagination. Un défaut de fabrication ou d’usage.

Le jeune homme se souvient d’avoir brisé des vitres, des plaies au front. Une lassitude, car une vitre brisée en amène une autre.

Même au bout des vitres, des éclates et de la fatigue, une transparence résiste.

Le noyau dur et insécable : le trou.

- Le noyau dur et insécable le trou, dit-il avec une grande tristesse. Son visage s’assombrit, il demeure silencieux, absorbé par des pensées infécondes

Le noyau dur et insécable le trou.

*

" C'est fini, polan, tu m'entends, c'est fini, tu dors, hé, tu dors, réveille-toi, c'est fini, tu te rappelles des premiers baisers, le terrain en pente, l'arbre avec une branche qui touchait le sol, elle venait d'aileurs, polan, réveille-toi, écoute, tu te rappelles, un odeur je crois et les cheveux mi-longs, elle venait du canton de Vaud, plus jamais revu, sa grande soeur, je ne sais plus, polan, le premier baiser, les jambes maigres, c'est fini, c'est fini, c'était à Chemin dessus, l'été, je crois, polan, polan, tu dors, je l'ai embrassée, je ne sais plus où, près de l'arbre, aide-moi à me rappeler, je n'y arrive pas, pas un baiser, un bec de garçon sur la bouche d'une fille, les cheveux noirs, petite, j'était petit, c'est fini, polan, il m'arrive parfois de croire que ce n'est pas fini, mais c'est fini, je m'en rappelle, l'été suivant, plus jamais revue, tu crois, polan, tu dors, que si je la rencontrais, je la reconnaitrais, hein, c'est fini, je me suis souvenu, tu sais le noyau dur et insécable, le trou quoi, ce passage en fer rouillé, ce long tunnel, le bord de mer, l'océan, le passage, polan, réveille-toi
quand je pense à mélane, j'ai une douleur, là, dans le ventre, il devient tout petit, quand je pense à mélane, polan, c'est de mélane que je parle, quand je pense à mélane, j'ai peur, je ne sais pas pourquoi, quand j'ai peur, hein, j'ai envie de pleurer, je me crispe et je fais le poing, oh polan, dis-moi quelque chose, tu l'aimes toi mélane, hé, dis-moi, tu l'aimes, elle te fais aussi cette douleur dans le ventre, dans les yeux"

Deux enfants courent à travers le champ. Le jeune homme s'est couché sur la scène, il a pris ses jambes autour des bras, la tête contre.
Il verse des larmes. Un projecteur envoie des images: deux enfants courant à travers un champ, une femme embrassant un homme image en noir et blanc, le nuage atomique au dessus de Nagasaki, Pinochet le sabre en main, un cimetière d'éléphant, un dessin d'enfant, Michel Simon en père Jules, dans L'Atalante, un profil de Marcel Duchamp, un tableau de Francis Bacon, Joyce à Trieste, la tête penchée lunettes rondes de Walter Benjamin, un cerisier avec un jeune homme dessus, le cap horn, les pavés d'une rue, des soldats marchant aux pas, une fillette américaine au devant le tableau noir.

en boucle une voix: Portbou, au bout à bout Portbout.

Le jeune homme ramasse une serviette, ne la lâche plus, s'enfuit dans les fourrées. Sur la scène le coprs reste immobile. L'autre court, court, franchit la frontière, va devant lui, la serviette contre lui, dans les bras, la tient serrée, il court, franchir l'océan, un gamin, pieds nus, 1940, l'été indien, il court.

C'est l'utopie qui court celle qui réinvent l'histoire, qui fait revivre l'impossible. C'est la force d'un rêve, d'un élan.
C'est Antonin au Mexique, cinq ans auparavant. Celui qui court, l'enfant, cela aurait pu être Walter Benjamin. Dans la serviette, tous les livres d'enfant.

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[1] Antonin Artaud


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25 février 2007

la scène (une ébauche ou une tentation)


marika_alver_portbou_arbre

une plaine

de la tourmente un arbre

un cerisier, trois grosses branches nouées

un champ de choux-fleurs l’hiver une mince odeur quand le soleil

une couleur jaune grise un retable flamand

décomposition

polan assis au bout d’une branche haut sur la gauche

un air d’harmonica vers la droite un coup de vent les branches bougent

un lapin de garenne traverse la scène des bonds

mélane au second plan au troisième plan très loin derrière

se courbe ramasse quelque chose ne court pas

plus loin qui fait horizon avec le ciel une chaîne de montagnes

leur sommet blanc polan balance ses jambes

à droite un chemin presqu’une route

de terre battue

sur les côtés deux rideaux rouge pâle

épais durs las au plafond un lustre dans le ciel des traînées blanchâtres

le jeune homme entre en scène le héron prend son envol

lourd bat des ailes lourd bat des ailes

une cargaison de munitions militaires caisses grises empilées dans un coin

au fond un œil de bœuf traversée d’une croix à travers

le champ à travers le cerisier la plaine

de la tourmente contre la fenêtre

[une vue sur la mer en surplomb plus bas des cyprès à gauche une falaise molle

une colline (Colline avait un visage à faire tomber et la voix assassine)

les commentateurs disent qu’il y a un cimetière une tombe inconnue

25 septembre 1940]

du sable jaune

de la tourmente

des déserts

des caisses militaires

feu feu feu

mélane prend dans ses bras la mort de l’enfant

le jeune homme, au centre de la scène, chemise déboutonnée, se scarifie la peau avec un cutter

obscénité

polan assis sur la branche du cerisier regarde en direction de mélane

le jeune homme se met à genou se met les mains ouvertes sur le visage

entre un soldat une mitraillette en bandoulière

les bottes claquent cirées à neuf défait une caisse scellée en retire des balles

sort de la scène



23 février 2007

portrait du jeune homme en jeune fille

Poupee

Le jeune homme n’est pas polan, mais il est possible que polan soit le jeune homme. Ou qu’il se prenne pour le jeune homme.

En tout cas, la main de mélane sur le ventre de polan, ce n’était pas une image. Polan a vécu cette scène. Le jeune homme ne connaît pas mélane, il ne la jamais vue, il ne la jamais touchée.

Une idée venue

Le jeune homme a eu l’idée de mélane, et cette idée l’a fasciné.

L’autre vient du dehors, il n’est pas étranger, l’autre fait extérieur et mille dédales. C’est une voix troisième, qui surveille,

(toi?)

Ou simplement veille, rassure comme une main sur l’épaule ou un mot à l’oreille, un murmure

N’observe pas, veille, ne te retire pas, viens. C’est encore quelqu’un d’autre qui dit cela. Ou tous à la fois: mélane, polan, le jeune homme, l’autre.

C’est vrai, se dit le jeune homme, quelque chose est en train de changer.

Il regarde son ventre, il a levé les couches d’habit qu’il tient avec les dents. Oui, essaie-t-il de formuler, mon ventre change, il prend du ventre mon ventre. Un deuxième ventre dans mon ventre, serait-il recommandé de se dire cela.

Lui vient à l’idée, anxieusement, qu’il attend un enfant, que son ventre grandit parce qu’à l’intérieur grandit un enfant. Le jeune homme rejette l’idée absurde, mais reste un sentiment qui croche.

Un enfant?, un enfant dans le ventre du jeune homme? Il met la main sur son ventre, et écoute. Sa main fait de cercles fragiles autour du nombril.

De toute façon, si les femmes peuvent ne pas avoir d’enfant, un homme peut bien en avoir un.

Mélane et polan, ils ont assisté à la scène du jeune homme, rient, ils rient, car ils savent d’où vient l’enfant. 

Ils ont fait l’amour, mélane et polan, ils ont fait l’enfant, mélane et polan, c’est pour ça qu’ils savent, c’est pour ça qu’ils rient.

Mélane sait que l’enfant grandit dans le ventre de polan. Elle l’a senti.

Dans le ventre de polan, un enfant court une poupée dans les bras. La poupée c’est l’enfant de polan et mélane, celui qui va venir. L’enfant qui tient la poupée, il se pourrait bien que ce soit le jeune homme quand il était enfant.

Un souvenir qui traîne dans le ventre.

Ou alors, c’est une fille, et alors le jeune homme serait une jeune fille.

Si l’on se tient aux indices de l’image, la jupe noire, les souliers vernis, la blouse blanche, alors on pensera que l’enfant est une fille.

Pourtant le jeune homme est bien le jeune homme. Il a peut-être oublié.

Il a peut-être perdu le monde.


22 février 2007

le repos

e



Il y a présence de plusieurs corps, mélange de nombreux esprits.

Polan ne dit rien, mélane s’y confond. Une autre chaleur, bien moins belle, descend contre l’image, avec d’autres mots, moins sensés.

On eût aimé, elle se retient.

C’est une autre parole, bien moins ouverte: mélane se couche dans les yeux de polan, et polan se couche dans l’image de mélane.

L’autre se taisait. J’admire, se disait-il. J’admire dans la tentation de disparaître, j’observe. Quand la chaleur s’organise autrement, le rictus métaphysique se décompose, imperceptiblement: mélane est entrée dans la semblance de polan, et polan décline vers la plaine de mélane (le repos de mélane, sa tendresse), comme l’enveloppe de la forêt quand un homme marche dans le chant d’un oiseau: assez près pour sentir se lézarder la coque, et l’image disparaître d’un profil aéré.

Mais la chair semble profiter d’un apprentissage aberrant, renonçant à comprendre, étonnée seulement, interdite et tremblante, la chair presque belle: on murmure à peine,

Il y a présence d’une chose, inconnue.

22 février 2007

brisure

elektra



Sa chevelure, masse d’un noir bleuté, penche mélane dans le vide, la pousse comme les ailes d’un ange. Mélane ne chutera certainement pas, ses ailes la retiendront, elle volera, malgré une tristesse renfrognée et maladroite sur son visage. C’est une parole d’histoire qui va bien au delà de l’image.

Mais si on se borne à conserver son regard sur l’immobilité de l’image la chute dans le pire est imminente. Elle tombe comme une masse, cette femme dessinée. Sa chevelure prise dans la fixité du hors temps de l’image est glaciale.

L’imagination peut reprendre: les seins de mélane coulent comme deux gouttes de sang. Le sang ne renvoie pas à la douleur ou à l’orgasme. La métaphore produite par l’image évoque une troisième image: celle de deux gouttes de rosée roulant sur l’écorce d’un mélèze. Une image sans horizon, zoomée de très près, avec une netteté déconcertante, comme il arrive d’en voir aujourd’hui dans des documentaires sur la nature.

La chevelure, la maladresse du visage, les seins ont bougé, par morceaux. Il a fallu découper dans l’image, extraire. Le ciel étoilé, ce n’est pas un ciel, ce n’est pas une nuit, est espace mais reste de marbre, ainsi que les tours en pierre métallisée.

Un temps encore.

Non, ce n’est pas mélane représentée sur cette image, quand bien même la chevelure, quand bien même les seins.

L’assemblement du nez, des yeux et de la bouche détruit l’image pour celui qui la regarde et la rend insupportable.

Un rapport agace l’œil.

*

brisure du temps et de l’image

La main de mélane se pose sur le ventre de polan. Polan ne dit rien. La chaleur, tendre, du contact des peaux, la main reste à la surface une peau, même si la métaphore métaphysique la tient en privilège, la chaleur organise autrement le corps. Elle le pose. Cela dit que polan est bien. Et si l’on suit la main jusqu’à l’épaule, on rencontrera le profil amoureux de mélane.

21 février 2007

mélane

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mélane, à l’esprit du jeune homme vient le nom mélane

     un oubli heureux

tant pis, le jeune homme se brûle les ailes, il en dira toujours trop, il en dira toujours trop parce qu’il garde tout en lui,

l’extérieur est propice aux secrets

l’image: une tête forte, pas un visage, une tête ronde comme le monde

a perdu le monde

contradiction: le monde, il a perdu, s’est incrusté dans le visage:

Le jeune homme, il a perdu, n’entre pas dans le champ des métaphores souhaitables entre le visage et la terre

il pense, ce qui ajoute du retard, comme une vitre entre, qu’il énumérera les secrets du ventre

hésitation, le secret des ventres

voilà

les secrets des ventres

voie

cela peut évoquer le sexe perdu d’une femme ou la queue triangulaire

ou un sens unique

le jeune homme revient à lui, soigneusement seul, retiré, mis à l’étroit, il monte, il monte, il monte – un réveil, – un jour

l’image

dans les yeux, en chair et en os, une pluie de noire dans les flammes, la banalité du jour fera dire au jeune homme que c’est le monde qui pleure

    et les ventres et les gouffres

IL DIT CE QU’IL A DANS LE VENTRE

des images dans le ventre dans le ventre des images un carrousel à côté avec des chevaux de cire montés par des pantins ils sont beaux les pantins les yeux comme ceux de l’image, beaucoup d’yeux des billes, elles roulent, ils tournent (,) les yeux


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