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krèk krèk
26 février 2007

passage poing

dani1

Le jeune homme revient sur lui-même. Il se crispe, il fait le poing. Il court-circuite les images.

Il dit : « Je veux essayer un féminin terrible. […] Pour lancer ce cri je me vide. »[1]

A tel point revenant, qu’abaissant sa réalité. En lui, le processus d’une disparition par le passage où l’on ne passe même pas une seule fois.

Une vitre avec une inscription gravée illisible comme sur une table le sépare de toute affectivité. La vitre aspire, garde en elle, élimine. Le verre est une image d’une traversée abstraite. La transparence verticale est peut-être la qualité la plus faible de l’imagination. Un défaut de fabrication ou d’usage.

Le jeune homme se souvient d’avoir brisé des vitres, des plaies au front. Une lassitude, car une vitre brisée en amène une autre.

Même au bout des vitres, des éclates et de la fatigue, une transparence résiste.

Le noyau dur et insécable : le trou.

- Le noyau dur et insécable le trou, dit-il avec une grande tristesse. Son visage s’assombrit, il demeure silencieux, absorbé par des pensées infécondes

Le noyau dur et insécable le trou.

*

" C'est fini, polan, tu m'entends, c'est fini, tu dors, hé, tu dors, réveille-toi, c'est fini, tu te rappelles des premiers baisers, le terrain en pente, l'arbre avec une branche qui touchait le sol, elle venait d'aileurs, polan, réveille-toi, écoute, tu te rappelles, un odeur je crois et les cheveux mi-longs, elle venait du canton de Vaud, plus jamais revu, sa grande soeur, je ne sais plus, polan, le premier baiser, les jambes maigres, c'est fini, c'est fini, c'était à Chemin dessus, l'été, je crois, polan, polan, tu dors, je l'ai embrassée, je ne sais plus où, près de l'arbre, aide-moi à me rappeler, je n'y arrive pas, pas un baiser, un bec de garçon sur la bouche d'une fille, les cheveux noirs, petite, j'était petit, c'est fini, polan, il m'arrive parfois de croire que ce n'est pas fini, mais c'est fini, je m'en rappelle, l'été suivant, plus jamais revue, tu crois, polan, tu dors, que si je la rencontrais, je la reconnaitrais, hein, c'est fini, je me suis souvenu, tu sais le noyau dur et insécable, le trou quoi, ce passage en fer rouillé, ce long tunnel, le bord de mer, l'océan, le passage, polan, réveille-toi
quand je pense à mélane, j'ai une douleur, là, dans le ventre, il devient tout petit, quand je pense à mélane, polan, c'est de mélane que je parle, quand je pense à mélane, j'ai peur, je ne sais pas pourquoi, quand j'ai peur, hein, j'ai envie de pleurer, je me crispe et je fais le poing, oh polan, dis-moi quelque chose, tu l'aimes toi mélane, hé, dis-moi, tu l'aimes, elle te fais aussi cette douleur dans le ventre, dans les yeux"

Deux enfants courent à travers le champ. Le jeune homme s'est couché sur la scène, il a pris ses jambes autour des bras, la tête contre.
Il verse des larmes. Un projecteur envoie des images: deux enfants courant à travers un champ, une femme embrassant un homme image en noir et blanc, le nuage atomique au dessus de Nagasaki, Pinochet le sabre en main, un cimetière d'éléphant, un dessin d'enfant, Michel Simon en père Jules, dans L'Atalante, un profil de Marcel Duchamp, un tableau de Francis Bacon, Joyce à Trieste, la tête penchée lunettes rondes de Walter Benjamin, un cerisier avec un jeune homme dessus, le cap horn, les pavés d'une rue, des soldats marchant aux pas, une fillette américaine au devant le tableau noir.

en boucle une voix: Portbou, au bout à bout Portbout.

Le jeune homme ramasse une serviette, ne la lâche plus, s'enfuit dans les fourrées. Sur la scène le coprs reste immobile. L'autre court, court, franchit la frontière, va devant lui, la serviette contre lui, dans les bras, la tient serrée, il court, franchir l'océan, un gamin, pieds nus, 1940, l'été indien, il court.

C'est l'utopie qui court celle qui réinvent l'histoire, qui fait revivre l'impossible. C'est la force d'un rêve, d'un élan.
C'est Antonin au Mexique, cinq ans auparavant. Celui qui court, l'enfant, cela aurait pu être Walter Benjamin. Dans la serviette, tous les livres d'enfant.

appoline_03

 




[1] Antonin Artaud


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